Anjou - Département de Maine-et-Loire
Archives départementales Aux sources de l'histoire de l'Anjou

XIe siècle

Urbain II et Robert d’Arbrissel : la réforme grégorienne et l’Anjou (1096)

Temps de lecture :  min.

Le redoutable Foulque III Nerra et son fils Geoffroi Martel ont fondé la puissance angevine. Élargi aux Mauges, au Vendômois, à la Touraine, à la Saintonge et un temps au Maine, le comté, par les liens étroits qu'il noue avec le duché d'Aquitaine, puis avec les rois capétiens, s'affirme comme une puissante principauté territoriale, égale et rivale des grandes maisons de Blois et de Normandie dont elle contribue à freiner les ambitions.

Toutefois, la mort sans descendant direct de Geoffroi Martel en 1060 inaugure une période de crise pour le comté. Geoffroi le Barbu et Foulque le Réchin s'en disputent âprement la possession aux cours de longues luttes fratricides. Foulque, après avoir vaincu son frère et l'avoir fait prisonnier en 1067, (une captivité qui durera vingt-huit ans), mène une politique hasardeuse à l'encontre de ses voisins. Il perd ainsi successivement la Saintonge, reprise par le duc d'Aquitaine, et le Maine, que lui disputaient les Normands. Il doit en outre se reconnaître vassal du comte de Blois pour la Touraine et concéder le Gâtinais au roi de France, Philippe Ier, pour prix de sa neutralité. Dans le même temps, les barons, grâce aux châteaux qui leur ont été inféodés et forts de leurs alliances matrimoniales, sont en révolte endémique et se partagent la réalité du pouvoir local.

L'Eglise n'est pas à l'abri de cette crise. Les bénéfices ecclésiastiques sont entre les mains des seigneurs laïcs, qui nomment ou désignent les clercs et les prêtres, et la simonie est devenue pratique courante. Deux mouvements réformateurs émergent cependant au XIe siècle : celui initié par l'ordre clunisien qui ne touche que de façon indirecte les grandes abbayes bénédictines de l'Anjou, qui connaissent alors un apogée économique ; et la réforme initiée par la papauté, dite réforme grégorienne, en lutte contre l'investiture laïque. Pour la mettre en œuvre, Grégoire VII et plus encore Urbain II s'appuient sur le monachisme.

Venant de Clermont où il a prêché la croisade mais aussi et surtout où il a tenu un grand concile réformateur, Urbain II parvient à Angers en février 1096. Là, il rencontre un ermite étonnant, Robert d'Arbrissel. Le mouvement de réformation du clergé régulier avait vu croître une soif d'absolu qui avait trouvé sa réalisation dans l'érémitisme, dans un idéal de pauvreté évangélique. Robert d'Arbrissel, ancien vicaire général de l'évêque de Rennes, s'était retiré dans la forêt de Craon vers 1091 et avait regroupé autour de sa personne une petite communauté. Ayant entendu parler de lui, raconte Baudry, abbé de Bourgueil, dans sa Vita Roberti, le pontife demande à s'entretenir avec lui. Malgré la réputation fantasque du personnage et ses propres craintes - il lui conseille de ne point tenir de propos insolites -, il lui confie le soin de prononcer le sermon lors de la consécration de la nouvelle abbatiale de Saint-Nicolas d'Angers, devant une noble assemblée, comptant, outre le comte Foulque et les religieux de l'abbaye, nombre de prélats et barons. Fort satisfait de son discours, car selon Baudry, le Saint Esprit parlait par la bouche de Robert, Urbain lui confie alors un mandat officiel de prédication. Il ne s'agissait pas de prêcher la croisade, mais cette réforme des pratiques de l'Église, qui lui tenait tout autant à cœur et participait du même mouvement d'un idéal religieux retrouvé. Dans le même temps, la communauté de la Roë recevait du pontife la règle des chanoines de saint Augustin. Mais en dépit de ses nouvelles fonctions de prédicant itinérant et de son rattachement à la règle canoniale et à une communauté constituée, Robert reprend rapidement la route et la voie de l'érémitisme, jusqu'à son installation à Fontevraud, vers 1101, où il fonde une abbaye féminine de stricte obédience bénédictine mais ayant l'originalité de posséder une communauté d'homme soumise à l'autorité de l'abbesse.

Repères chronologiques

  • vers 1020 : Foulque Nerra fonde l’abbaye Saint-Nicolas
  • 1025 : Foulque Nerra reprend Saumur au comte de Blois
  • vers 1025 : consécration de la cathédrale Saint-Maurice
  • vers 1028 : fondation de l’abbaye du Ronceray
  • 1032 : incendie de la cathédrale
  • 1040-1060 : Geoffroi II Martel
  • 1060-1067 : Geoffroi III le Barbu
  • 1067-1109 : Foulque IV le Réchin
  • 1067 : Foulque IV le Réchin bat son frère aîné Geoffroy le Barbu et lui prend le comté
  • vers 1091 : Robert d’Arbrissel se retire dans la forêt de Craon
  • 1096 : prédication de la croisade à Angers. Consécration de la nouvelle église de Saint-Nicolas par Urbain II. L’abbaye de la Roë reçoit la règle des chanoines augustins.
Retour en haut de la page