Tandis que les fils de Robert le Fort s’imposaient en moins d’un siècle sur le trône de France, une fortune non moins rapide allait porter les comtes d’Anjou à la tête d’un véritable empire : Foulque V initie, en 1109, une persévérante politique matrimoniale par son mariage avec Eremburge héritière du comté du Maine, qui permet d’asseoir, mieux que toute conquête, la domination angevine sur ce territoire.
Instruit par l’expérience, Foulque marie en 1119 sa fille aînée à l’héritier d’Angleterre, qui tient aussi la Normandie depuis la traversée conquérante de 1066. Las, le jeune Guillaume Adelin périt un an plus tard dans le naufrage de la « Blanche Nef », tandis que l’union de Sybille, la cadette, avec le prétendant rival au trône d’Angleterre, Guillaume Cliton, est cassée par Rome à l’instigation du roi-duc Henri Ier Beauclerc. Celui-ci accepte cependant en 1128 le mariage de sa fille Mathilde avec le fils du Comte d’Anjou Geoffroy. Ayant ainsi assuré les ambitions angevines, Foulque s’éloigne vers l’Orient et Jérusalem pour y ceindre une autre couronne. En 1135, la mort d’Henri Ier pourrait ouvrir la voie à l’Angevin. Malheureusement, un autre prétendant, Etienne de Blois, évince Mathilde du trône d’Angleterre et de Normandie. Geoffroy se lance dans la reconquête et parvient, en 1144, à se rendre maître de la Normandie. Mais Mathilde, débarquée en 1139, ne peut s’imposer Outre-Manche et se résigne sans pour autant cesser de revendiquer ses droits.
Geoffroy est encore jeune, et peut tout espérer. Sa mort, survenue brutalement en 1151, est un coup de théâtre. Elle permet à son fils Henri, qui n’a pas vingt ans, d’être investi des titres et prétentions attachés au Grand Anjou. Puis tout va très vite : Henri a rencontré à Paris, peu de mois avant la mort de son père, l’épouse du roi de France Louis XII, Alienor. La rupture, déjà consommée, entre les époux royaux est avalisée par le concile de Beaugency qui, en mars 1152, prononce le divorce. Deux mois plus tard, Alienor épouse Henri, lui apportant dans sa corbeille la riche et vaste Aquitaine. Mais Henri n’oublie pas l’héritage de sa mère : en 1153, il passe en Angleterre, contraint Etienne de Blois à le reconnaître pour héritier. Quelques mois plus tard, en octobre 1154, Henri et Alienor apprennent à Rouen la mort du roi Etienne. Aussitôt, bravant les intempéries et l’hiver, ils font voile vers l’Angleterre. Le 19 décembre 1154 a lieu le couronnement en l’abbaye de Westminster. Un empire est né, étendu de l’Ecosse aux Pyrénées, de part et d’autre de la mer. Henri ne conçoit aucune borne à sa puissance : il revient aussitôt sur la parole donnée à son père de concéder, une fois roi, le Grand Anjou à son frère cadet ; il annexe peu à peu le comté de Nantes et la Bretagne voisine. Seul se dresse devant lui le roi de France, son suzerain pour les domaines continentaux. De trêves en combats, l’affrontement entre les deux couronnes ne s’éteint qu’au siècle suivant, avec la mort de Jean, le dernier des Plantagenêt. Si l’Anjou a connu quelques troubles, il a gagné d’être prospère, administré, ouvert. Le temps d’Henri Plantagenêt est donc celui de la stabilité, et crée les conditions d’un exceptionnel renouveau religieux, intellectuel et artistique. L’échec politique ne compromet pas ce bilan, que reprendront à leur compte après 1214 les rois de France à nouveau maîtres de la province.
Repères chronologiques
- 1109 : mariage de Foulque V et d’Eremburge, fille du comte du Maine
- 1128 : mariage de Geoffroy, fils de Foulque V, et de Mathilde, fille et héritière du roi d’Angleterre
- 1135 : mort d’Henri Ier, roi d’Angleterre. Mathilde est évincée de la succession
- 1139-1145 : Geoffroy conquiert la Normandie
- 1151 : Henri Plantagenêt succède à son père Geoffroy comme comte d’Anjou
- 1152 : Divorce de Louis VII, roi de France, et d’Aliénor d’Aquitaine ; mariage d’Henri et d’Aliénor
- 1154 : Henri Plantagenêt devient roi d’Angleterre
- 1160-1170 : construction de la levée de la Loire
- 1174 : édification de la salle des malades de l’hôpital Saint-Jean
- 1189 : mort d’Henri II, avènement de Richard Cœur de Lion
- 1199 : mort de Richard, avènement de Jean Sans Terre