Anjou - Département de Maine-et-Loire
Archives départementales Aux sources de l'histoire de l'Anjou

XIVe siècle

Louis Ier d’Anjou passe commande de la tapisserie de l’Apocalypse (1373)

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Les crises de toute nature qui affectent la première moitié du XIVe siècle trouvent l'Anjou revenu dans le giron royal, par l'accession au trône en 1328 du dernier héritier angevin de la lignée de Charles d'Anjou, Philippe de Valois. Jean le Bon est investi de la province, mais c'est pour devenir roi à son tour en 1350.

Dans le grand péril que fait courir à l'Anjou la reprise de la guerre franco-anglaise, cette fameuse "guerre de cent ans", c'est Louis, deuxième fils du roi, qui se voit à son tour apanagé de l'Anjou. Les temps sont alors tragiques, et le jeune prince en fait l'expérience : d'abord otage de Charles de Navarre, dit le Mauvais, qui a pris le parti anglais, il doit, après le désastre de Poitiers et la capture du Roi son père, se livrer à l'ennemi en garantie de l'exécution du désastreux traité de Brétigny en 1360. C'est à cette date que l'Anjou est érigé pour lui en duché-pairie. Mais il supporte mal la captivité : en 1364, rompant le traité, il est de retour en terre française et y retrouve sa femme, Marie de Bretagne, fille du comte Charles de Blois. Dès lors, maître de ses états, il s'y conduit en administrateur exigeant, tout en portant le fer contre l'anglais à qui il voue une haine inextinguible. Comme lieutenant général de son frère Charles V en Languedoc, il leur livre bataille durant plus de quinze ans (1364-1380), véritable rempart de l'autorité royale au sud de la Loire. Il n'empêche pas l'Anjou d'être ravagé par les campagnes de 1370 où, pendant qu'il guerroie en Périgord, seule l'énergie de Du Guesclin sauve la province d'une occupation durable.

Est-ce cette omniprésence de la guerre qui le conduit, quelques années plus tard, à choisir pour la grande tenture qu'il commande au marchand parisien Nicolas Bataille, le thème sombre et puissant de l'Apocalypse, d'après le récit des visions de Saint Jean ? Les multiples rapprochements thématiques et artistiques qui ont pu être faits entre la composition de l'œuvre et le mortel conflit qui traverse le siècle sont autant de raisons pour retenir cette hypothèse. L'ampleur de la commande dépasse tout ce qui a été jusque là réalisé : la tenture terminée en sept ans ne comptera pas moins de quatre-vingt tableaux, répartis en six grandes pièces, chacune d'entre elles étant introduite par un personnage hiératique de lecteur méditant les enseignements de Saint Jean. Lorsqu'il fait mettre en chantier sa tapisserie, le duc d'Anjou n'en est pas à son coup d'essai. Dès 1364, un premier inventaire de son trésor mentionne qu'il possède soixante-seize tapisseries, dont beaucoup historiées et de grandes dimensions. Jusqu'en 1370, il continue à acheter et à passer commande, manifestant ainsi un goût particulier pour cette forme d'art dont l'essor est alors récent. Il est tentant à cet égard de se souvenir que les terres d'élection de la confection des tapisseries sont alors celles du Nord, Pays-Bas et Aras notamment, et de souligner que le duc d'Anjou y fut contraint à vingt ans à de longs et pénibles séjours, dans les longs pourparlers qui, pendant six ans, suivirent la capture de son père Jean le Bon. Quelles que soient les raisons de son ambitieuse commande, Louis n'en eut cependant que peu l'usage : à peine lui est-elle entièrement livrée qu'il s'éloigne pour poursuivre en Italie l'hypothétique héritage de Jeanne de Naples, et bientôt, pour y mourir (1384). La tapisserie fait cependant en 1400 le voyage de Provence, où l'on voit qu'elle orne, au mariage de Louis II et de Yolande d'Aragon, les murs de l'archevêché d'Arles. Puis elle regagne l'Anjou, et ne le quitte plus. René, s’éloignant définitivement en 1374, laisse à l'église d’Angers la belle tapisserie sur laquelle sont contenues toutes les figures et visions de l'Apocalypse. Ainsi continue-t-elle à témoigner aujourd'hui de la conjonction parfaite de la pensée, de l'art et de l'histoire, et à susciter une universelle admiration.

Repères chronologiques

  • 1325 : Philippe de Valois, comte d’Anjou
  • 1328 : l’Anjou est réuni au domaine royal à l’avènement de Philippe VI de Valois
  • 1331 : Jean le Bon, comte d’Anjou
  • 1337 : Edouard III d’Angleterre revendique la couronne de France : début de la guerre de Cent ans.
  • 1349 : la peste noire touche l’Anjou mais de façon atténuée
  • 1350 : l’Anjou est réuni au domaine royal à l’avènement de Jean le Bon
  • 1355 : occupation anglaise au nord de l’Anjou (abbaye du Loroux)
  • 1356 : Louis, deuxième fils de Jean le Bon, investi du comté d’Anjou ; bataille de Poitiers, où Jean le Bon est fait prisonnier
  • 1360 : érection du comté en duché-pairie
  • 1360-1380 : reconstruction du château de Saumur
  • 1370 : offensive anglaise sur l’Anjou, repoussée par Du Guesclin
  • 1380 : adoption de Louis Ier par Jeanne de Naples
  • 1382 : départ de Louis Ier en Italie
  • 1384 : mort de Louis Ier à Bisceglie. Son fils Louis II, âgé de sept ans, lui succède.
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