Anjou - Département de Maine-et-Loire
Archives départementales Aux sources de l'histoire de l'Anjou

XIXe siècle

Napoléon visite les Angevins victimes de la crue de la Loire (1856)

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4 juin 1856, 4 heures du matin, à La Chapelle-sur-Loire en Touraine : les flots en furie rompent la digue sur 200 mètres, la Loire quitte son lit, s’engouffre dans la vallée de l’Authion. Saint- Clément- des- Levées, Mazé, Andard sont submergés.

6 juin, 3 heures 30 du matin, à Trélazé : l’eau pénètre dans les galeries des ardoisières « avec un bruit épouvantable : un sourd mugissement suivi de sifflements montant dans les entrailles de la terre » ; une cascade de 80 mètres de haut forme un « spectacle grandiose mais terrible ». L’eau monte de 1 mètre par heure. 8 juin : la Loire entame sa décrue.

Violence, soudaineté : la Loire a encore détruit et plus que jamais. De mémoire et d’archives, on n’a connu tel cataclysme. Exceptionnelle, la crue l’est par sa période, hors saison des pluies, par les débits relevés et la hauteur des eaux (7,14m à Saumur ; 6,46m à Saint-Mathurin). Mais aussi par l’étendue des terres inondées, le poids économique des destructions (25 millions de francs).

Impuissance des hommes face aux éléments mais solidarité dans l’épreuve : l’école de cavalerie à Saumur, celle des Arts et Métiers à Angers, les prisonniers de Fontevraud prêtent main forte. Le tambour rameute en pleine nuit la population à Longué, les gendarmes réquisitionnent hommes et matériels. La souscription nationale qui est lancée recueille la somme colossale de 12 millions de francs.

Comment la Loire, si calme et si sereine, presque léthargique l’été avec les longs bancs de sable qui émergent de son lit, peut-elle grossir si brutalement pour devenir sauvage, impétueuse, destructrice ? L’homme a pourtant tenté, depuis l’Antiquité, de la domestiquer. En 821, une turcie, petite digue truffée de pieux, est élevée. Sous Henri II Plantagenêt au XIIe siècle apparaissent les premières constructions solides. Mails il faut attendre Colbert pour que des travaux de grande ampleur soient entrepris (1682-1702) sur plusieurs centaines de kilomètres, d’Orléans à Nantes ; les digues sont rehaussées jusqu’à 5,20m. Peine perdue : la crue de 1733 emportent les protections. Faut-il les monter plus haut encore, jusqu’à 7 mètres ? certains préconisent d’autres solutions, comme celle de construire des canaux auxiliaires de déversement. On temporise, on répare, lorsque survient la crue de 1846, brève mais violente, dramatique annonce de celle de 1856.

Cette année-là, le Midi est également touché de plein fouet. L’empereur Napoléon III, le 2 juin, descend la vallée du Rhône à la rencontre des populations sinistrées.

En Maine-et-Loire, le préfet Vallon réclame à son tour la venue du souverain. Le 9 juin, après avoir temporisé, il arrive enfin dans le département.  À Trélazé il se rend en barque au milieu des mines englouties des Grands Carreaux et vient à la rencontre des ouvriers et de leurs familles qui l’accueillent aux cris de : « Vive l’empereur ! Qu’il soit béni pour le bien qu’il nous apporte ! ».

Il accorde des secours en argent et promet une nouvelle digue qui, dix ans plus tard, sera baptisée « Levée Napoléon ». À ces gestes de générosité, qui correspondent à l’image de souverain proche du peuple, que l’empereur veut se donner, s’ajoute un geste politique : l’insurrection des perreyeurs de Trélazé l’année précédente, fomentée par « La Marianne », est dans tous les esprits. Il faut rallier les opposants révolutionnaires. Même si Napoléon ne distribue que des médailles et des récompenses sans accorder d’amnistie - François Attibert, le chef de l’insurrection, ne reviendra du bagne qu’en 1866 - le préfet affiche l’optimisme en annonçant que « la visite de l’empereur [a] rétabli l’ordre ». Et une fois de plus la question est posée : comment dompter l’indomptable Loire ? Comment prévenir et comment détourner ses colères ? 1856 reste aujourd’hui la crue de référence pour les travaux d’endiguement ; on insiste davantage sur la prévention par une observation régulière des débits. Mais les caprices du fleuve royal sont encore souverains...

Repères chronologiques

  • 1808 : visite de Napoléon Ier à Angers et Saumur
  • 1814 : soulèvement des Chouans pendant les Cent Jours : Baugé est pris
  • 1815 : occupation prussienne
  • 1822 : conspiration du général Berton, affilié à la société secrète « La Charbonnerie »
  • 1832 : insurrection fomentée par la duchesse de Berry. Épidémie de choléra.
  • 1849 : inauguration de la gare ferroviaire d’Angers
  • 1850 : catastrophe du pont de la Basse-Chaîne à Angers
  • 1855 : insurrection de « La Marianne »
  • 1842, 1852, 1856, 1866 : inondations
  • 1856 : mort de David d’Angers
  • 1857 : transfert du siège de l’arrondissement de Beaupréau à Cholet
  • 1875 : fondation de l’université catholique par Monseigneur Freppel
  • 1880-1891 : crise du phylloxéra
  • 1890 : début du syndicalisme angevin avec Ludovic Ménard
  • 1895 : exposition nationale d’Angers
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