Le premier XVIIe siècle, que clôt en 1661 l'avènement du jeune Louis XIV, n'est pas pour l'Anjou un temps paisible. Au contraire, la révolte y est quasi- permanente et générale, qu'elle soit le fait des princes du sang, des nobles, des oligarchies municipales, des officiers, des protestants, ou des classes populaires urbaines et rurales, et ce malgré une reprise économique indéniable qui suit, dans les pays de la Loire, la fin des guerres de religion.
Bien plus que les survivances des conflits religieux, ce sont les guerres étrangères et le poids de la fiscalité qui pèsent sur les provinces qui sont la cause de ce profond malaise social. Épidémies et famines s'y additionnent : la peste, mal endémique, réapparaît vers 1625 pour étendre ses ravages pendant près de quinze ans et être enfin jugulée vers 1640. La famine est souvent liée aux crues brutales des rivières qui sont si fortes par exemple en 1615 et 1651 qu'elles entraînent la rupture des levées de la Loire, compromettant les récoltes et faisant affluer dans les villes les paysans affamés. La plus terrible épreuve survient en 1661-1663, quand trois années de mauvaises récoltes consécutives entraînent une misère décrite par les contemporains comme insupportable. La fin du siècle est marquée par un retour de crise, même si la disette des années 1693-1694 ne peut être comparée, dans son ampleur, à la précédente.
Dans ce contexte, la charité est l'unique recours des populations démunies. A Angers, une distinction s'était établie, au début du siècle, entre le traitement des malades, incombant à l'hôpital Saint-Jean, et l'assistance aux pauvres, pour laquelle sous l'impulsion de Pierre Ayrault, est créé en 1615 un hospice dit des renfermés, destiné à juguler la mendicité trop voyante. Mais la fondation se maintient difficilement, faute de ressources suffisantes. Supprimée, puis rétablie en 1672, elle prend alors le titre d'Hôpital général de la Charité, qu'elle conservera au delà même de la Révolution.
Mais si l'Hôpital de la Charité accueille, tant bien que mal, une population d'un millier d'indigents, l'Hôtel Dieu doit faire face aux vagues récurrentes des épidémies. Depuis 1548, les religieux qui accaparaient à leur profit la plus grande partie des revenus, ont été dessaisis du gouvernement de l'hôpital, et remplacés par des notables nommés qui s'efforcent de pallier la détresse financière. Mais l'hôpital manque de bras : les médecins et chirurgiens le desservent irrégulièrement et l'on déplore, malgré les dons, l'insuffisance du personnel comme du matériel.
Or, depuis 1633 s'est créé, à l'initiative de saint Vincent de Paul et de sa fervente disciple Louise de Marillac, une communauté des Filles de la Charité qui se donne pour unique mission le soin des malades et pour règle la « simplicité et la gaieté ». Pour pouvoir assurer le service des pauvres librement, les filles de la Charité n'ont pas adopté le statut de religieuses et sont donc dispensées du cloître. Plus tard, des ordonnances les placeront officiellement sous l'autorité de Saint Vincent de Paul et de ses successeurs, supérieurs de la Congrégation de la Mission.
Louise de Marillac arrive à Angers au début de décembre 1639, accompagnée de trois sœurs. Le1er février 1640, elle y installe définitivement huit sœurs, et leur nombre ne cesse d'augmenter jusqu'à atteindre trente neuf à la veille de la Révolution. Elles avaient à charge près de trois cent lits, le nombre des malades admis variant, selon les périodes, de trois cent cinquante à cinq cent personnes. Pour conforter la nouvelle fondation, Saint Vincent de Paul lui-même vint visiter la communauté du 19 au 24 mars 1646.
Repères chronologiques
- 1618 : création de la Généralité de Tours
- 1620 : guerre « de la mère et du fils », entre Marie de Médicis et Louis XIII : « Drôlerie » des Ponts-de-Cé
- 1625 : épidémies de peste, suivies d’émeutes frumentaires en 1630 et 1640
- 1640 : installation des Sœurs de la Charité à l’hôpital Saint-Jean d’Angers
- 1649-1692 : épiscopat d’Henri Arnauld
- 1649-1652 : Angers, dans la Fronde, soutient le parti rebelle
- 1649, 1652 : Louis XIV reprend la ville par deux fois
- 1657 : suppression de l’autonomie municipale d’Angers : le maire et les échevins sont désormais nommés par le roi
- 1685 : révocation de l’édit de Nantes ; suppression de l’Académie protestante de Saumur. Fondation de l’Académie d’Angers.