En 1945, le département de Maine-et-Loire panse encore ses plaies après les années d’Occupation et les événements liés à la libération du territoire. De nombreux Angevins vivent dans une réelle précarité économique et supportent des privations qui rendent la vie quotidienne particulièrement pénible. L’activité industrielle et commerciale peine à redémarrer, tandis que la production agricole est pénalisée par les aléas climatiques et le manque de main-d’œuvre.
Les préoccupations du quotidien
Au début de l’année 1945, les théâtres d’opérations militaires sont désormais loin de l’Anjou, mais la population reste confrontée à d’importantes difficultés matérielles. Les pénuries affectent les conditions de vie, surtout dans les villes. Le système de rationnement, mis en place en 1940, est toujours en vigueur et provoque des restrictions en tous genres.
La rudesse de l’hiver 1944-1945 n’arrange rien. La neige et le froid entravent considérablement les travaux agricoles et, par conséquent, le ravitaillement en denrées alimentaires. À cela s’ajoute l’insuffisance des moyens de chauffage, qui touche en premier lieu les couches les plus modestes des centres urbains.
La situation économique et sociale demeure fragile tout au long de l’année 1945. Dans le rapport qu’il adresse au ministère de l’Intérieur au mois de novembre, Henri Piton, préfet de Maine-et-Loire du 3 mai 1945 au 4 janvier 1946, met ainsi en avant « ce malaise profond que crée la situation économique et l’insuffisance du pouvoir d’achat des masses. La situation à ce point de vue ne fait que s’aggraver : des familles ouvrières se trouvent dans l’impossibilité, au sens propre du mot, d’acheter la viande que leur offrent les bouchers et il arrive que ces derniers, dans les quartiers populaires, soient encombrés d’un excès de marchandises à vendre. Les vêtements, les chaussures, le combustible, tout ce qui constitue les éléments essentiels de la vie matérielle de chaque jour, sont également hors de portée des petites bourses ».
Une activité industrielle et commerciale au ralenti
En parallèle, les entreprises établies dans le Maine-et-Loire souffrent de l’inertie de l’économie, résultant en grande partie des problèmes d’approvisionnement et de transports. Leur activité est notamment freinée par la lenteur des livraisons en matières premières et en combustibles, qui handicape fortement la plupart des filières industrielles.
À titre d’exemple, les entrepreneurs du bâtiment et des travaux publics subissent durement la pénurie de ciment et de chaux. Leur usage est en effet prioritairement destiné à la reconstruction des villes sinistrées, au détriment des chantiers concernant des particuliers.
Dans les fabriques de vins mousseux du Saumurois, le manque de sucre et de bouteilles paralyse la production, réduite au strict minimum. En conséquence, les établissements Bouvet-Ladubay, à Saint-Hilaire-Saint-Florent, doivent mettre leurs ouvrières au chômage partiel par roulement.
Pour leur part, les industries textiles du département pâtissent de la faiblesse des commandes passées par les intendances de l’armée française et des Alliés. Pour y remédier, le préfet de Maine-et-Loire demande en octobre 1945 au ministère de la Production industrielle d’attribuer des commandes aux entreprises locales.
Le blocage de l'agriculture
Après la Libération, l’agriculture occupe encore un poids essentiel dans l’économie angevine. Pour ce secteur aussi, 1945 est tout sauf une année faste. Le froid de l’hiver et du printemps, ainsi que la sécheresse estivale, ont beaucoup nui aux productions végétales et entraîné de mauvaises récoltes.
Ainsi, les rendements en céréales, ainsi qu’en plantes textiles et oléagineuses, sont singulièrement faibles, en tout cas nettement inférieurs à ceux d’une année normale. Les gelées tardives (jusqu’au mois de mai) ont par ailleurs gâté une grande partie de la récolte de pommes de terre. La viticulture n’est guère mieux lotie : la production de l’année, qu’il s’agisse de vins de table ou de crus plus réputés, est très restreinte pour la plupart des viticulteurs de Maine-et-Loire.
Outre les conditions météorologiques, le déficit de main-d’œuvre explique dans une large mesure la torpeur de l’activité agricole. Le retour des prisonniers de guerre ne s’effectue que progressivement au cours de l’année ; par conséquent, les bras manquent pour les travaux des champs. Pour pallier ce problème, les exploitants agricoles font largement appel aux prisonniers de guerre de pays de l’Axe. En octobre 1945, leur nombre s’élève à 2 300 dans le département, tous secteurs économiques confondus.
Pour aller plus loin
- MARAIS Jean-Luc, Le Maine-et-Loire aux XIXe et XXe siècles, Paris, Picard, 2009.
Sources
- Rapports du préfet de Maine-et-Loire adressés au ministre de l'Intérieur, Archives départementales de Maine-et-Loire, 80 W 9-14.
Retour à la liste des actualitésPaul-Henri Lécuyer, chef du service des publics




